85e rencontre des Semaines Sociales de France :
26 - 28 novembre 2010, au Parc Floral de Paris.
Sr Marie-Pierre CECCHI, UdJ, a participé et partage ce qui l’a marquée dans cette semaine sociale.
Les semaines Sociales sont un « Lieu de formation, de débat, de proposition sur les grands enjeux de société »
Trois jours, comme un bain d’espoir…un bain de foule de toute langue, peuple, nation, culture….la rencontre de tant d’hommes et de femmes si divers, si différents et tout à coup si proches !…
4 000 participants, 232 jeunes de moins de trente ans, 200 venaient de 20 pays différents, accueillis dans des familles…40 journalistes, 50 invités…
…et au milieu de cette foule, joie de rencontrer plusieurs Sœurs Ursulines de Jésus, de France et même d’Espagne, d’Angleterre et d’Italie ainsi que Sr Monique Béliard de l’Immaculée Conception de Niort.
De nombreuses congrégations étaient représentées. Beaucoup de Sœurs, en effet, sont proches de ces plus démunis que sont les migrants.
« Il n’y a pas d’étranger sur cette terre »…
C’est, pour moi, l’un des derniers mots forts de la fin de ces trois jours ; c’était aussi celui de l’introduction du premier jour par les voix de plusieurs intervenants :
Mgr DESCUBES, archevêque de Rouen nous rappelait le Dt 26. 5-9 : « Mon père était un araméen errant… », profession de foi de tout le peuple d’Israël à qui Dieu demandait : « aimez l’étranger car au pays d’Egypte vous fûtes étrangers ».
Mr Jérôme VIGNON, le Président des Semaines Sociales, exprimait, avec toute sa conviction, la nécessité d’une conversion, celle de la pensée et surtout celle du regard sur les migrants, ces hommes et ces femmes, ces jeunes, de qui nous sommes invités à nous faire “proches”…
Le Pasteur Claude BATY, Président de la Fédération Protestante, s’appuyant sur la parole de la Bible, répétait ces mots de Jésus : « J’étais un étranger et vous m‘avez accueilli…. » et rappelait avec un sourire qu’il n’y a pas que les protestants à lire la Bible ! et que lire la Bible a une incidence…
Ont été soulignés l’immense courage et la générosité des associations qui sont aux côtés des détresses des immigrés, qui entraînent tant de personnes à se faire “proches” des frères et sœurs injustement traités et qui œuvrent pour un changement structurel…
A diverses reprises ont été nommées : La Cimade, qui n’a pas voulu célébrer seule les 70 ans de sa fondation et s’est jointe à ces Semaines Sociales, le Secours catholique, la Pastorale des Migrants, le CCFD.
Impossible, bien sûr, de donner le contenu exhaustif de ces journées (voir sur le site ssf-fr.org) mais quelques moments forts que je garde davantage en mémoire.
Des chiffres :
En France : 5 millions d’immigrés soit 8% de la population, mais 2 millions sont devenus français donc 40% d’immigrés sont français…..
Dans le monde il y a 3% de migrants, 96% n’a jamais migré !
Des récits de vie :
Mais le sérieux des chiffres laissait place à l’émotion des récits de vie de réfugiés, sans -papiers ou étrangers intégrés après des parcours dramatiques, à moins que la discrimination ferme tellement de portes comme pour Hamid Senni, chef d’entreprise, qui a dû partir en Suède, en Angleterre pour être reconnu comme français !
L’après-midi s’est terminé sous les applaudissements après la présentation et les questions à Dounia Bouzar, ethnologue, musulmane, qui assure fortement : « l’Islam n’est pas une question à part… et, ce n’est pas l’Islam qui détermine l’individu , c’est l ‘individu qui comprend sa religion à partir de ce qu’il vit, là où il grandit et elle insiste sur le travail de lecture des textes du Coran ou de la Sunna, qui est à faire pour les musulmans ; il faut revenir au texte pour en dégager les traditions. Les musulmans aujourd’hui sont de culture française, ce n’est pas une autre culture et ils vont comprendre leur Coran d’une autre manière aujourd’hui. Et elle termine, avec feu, par ces paroles : « Ce n’est pas dans les pays musulmans où il n’y a pas de laïcité qu’on pourra faire découvrir une liberté de conscience … C’est l’expérience partagée qui nous permettra de construire un avenir partagé ».Il reste bien du chemin à parcourir !…
L’après-midi du Samedi a été exceptionnelle ! au lieu des « ateliers » habituels, il était proposé à chacun de rencontrer des « étrangers », de se parler, d’écouter d’apprendre de l’autre… 200 petits groupes se sont formés autour d’étrangers.
Organisation admirable !
Un beau moment de fraternité…
Une journée extrême¬ment riche ! Comment garder tout cela pour soi ?
Dimanche, une grande célébration œcuménique
Elle est présidée par le Vice président de la Cimade en ce 70e anniversaire, l’archevêque orthodoxe des Eglises russes en Europe occiden¬tale et le Cardinal André Vingt-trois. La salle est comble.
Lectures bibliques, témoignages, chants (très beau chœur malgache), pauses de silence accompagnées de la flûte, prières se succèdent… et ensemble le Notre Père en nous donnant la main !
Puis c’est l’ « envoi » : sortez …allez… et une très belle prière de bénédiction avec les trois pasteurs, chacun la formulant à sa manière ; je regrette de n’avoir pu la transcrire !
ELa réflexion, l’écoute dans la sérénité sont la marque des Semaines Sociales, même si le Président J. Vignon dit n’avoir jamais reçu autant de courriers contradictoires que pour le thème de cette année. L’assemblée ne s’attendait sans doute pas à la violence des discussions autour de « la République » soulevées par la trop longue prise de parole de Mr Guaino, conseiller spécial de Mr Sarkozy. Jérôme Vignon a dû intervenir pour permettre malgré tout l’écoute…
D’ autres participants prirent le relais : parmi eux, Yannick Blanc, ancien directeur général de la Police de Paris, interroge : quel est l’intérêt de politiques restrictives ? le marché noir ! Quel est l’effet de la migration sur l’emploi ? une seule étude, en Grande Bretagne, il est quasi nul… et sans les migrants pas de travaux publics, personnel d’entretien etc…
… « Il y a à revoir les règles des états membres de l’Europe », insiste Mr J. Barrot.
L’après-midi, les deux dernières prises de Parole avaient sens de « conclusion »….
Patrick Peugeot, président de la Cimade, soulignait le service que les Eglises veulent rendre aux hommes au nom de l’Evangile. Est-ce prétentieux ? disait-il. Mais nous sommes obligés à dire une parole prophétique, à inventer, à proposer des solutions. Nous ne pouvons rester silencieux, il faut construire des ponts, inventer une politique d’hospitalité !
Jérôme Vignon, président des Semaines Sociales, témoignait d’un passage du discernement à la conversion, d’un déplacement. Il ne s’agit pas tant du sort des migrants dans notre pays que de l’avenir de notre pays avec les migrants ! Changer de regard sur l’immigration c’est un travail dans le long terme, mais la France n’est pas seule, il y a la France et l’Europe.
Trois jours d’une immense richesse, tant au plan de la formation par des apports substantiels que par la rencontre avec l’autre, différent, étranger et frère…
Trois jours de plongée dans une assemblée si importante par le nombre, la force de conviction personnelle, l’engagement dans le quotidien avec d’autres, pour que moi aussi je puisse dire et vivre un peu davantage, simplement, là où je suis : « Il n’y a pas d’étranger sur cette terre… » … nous sommes tous les enfants d’un même Père !
Sr Marie-Pierre CECCHI, UdJ
Pour voir les vidéos des conférences
Site des Semaines Sociales de France