Lettre sur l’Admirable 21 mars 1825

A nos chères filles de Chavagnes. Qui peut entendre, entende.

J.M.J. Luçon 21 mars 1825

« Il sera appelé l’Admirable » Isaïe 9,6

Laissez, (ma chère Damaris), laissez les autres admirer et déprécier tel et tel objet. Fixez votre admiration avec le prophète Isaïe. Qu’est-ce qu’admirer ? C’est considérer un objet avec surprise et étonnement, pour sa grande beauté, ses perfections étonnantes qu’on n’a pas vues ailleurs. L’admiration est complète lorsqu’elle ôte à l’âme tout souvenir étranger, qu’elle remplit son intelligence avec comble et qu’elle ravit son cœur ou son amour.

Nous admirons des créatures parce que nous n’avons pas vu, ni considéré, ni goûté l’admirable. Lui seul est nommé l’admirable. Ce nom ne peut appartenir à un autre. […]

Qu’est-ce donc qui ravit dans ce petit enfant qui s’est incarné dans le temps d’une vierge Immaculée ? Ma fille, qu’est-ce qui ne ravit pas ? La miséricorde infinie qui donne le baiser de paix à la Justice infinie ! Pesez cela ! L’infini uni substantiellement à la petitesse. La petitesse qui, sans cesser d’être petite, devient une grandeur immense ! Le Créateur et la créature qui ne sont qu’un ; un homme est Dieu et un Dieu est homme, et le tout ne fait qu’un Christ. La sainteté éternelle et infinie chargée de tous les péchés depuis le commencement du monde jusqu’à la fin ! La sainteté qui aime les pécheurs ! Il serait plus facile d’unir l’eau au feu, et cependant cela est. Admiration !

Un corps… ! Dieu a des pieds, des mains, une tête, des yeux, des oreilles, une bouche ! Tout rayonne la divinité ! Ce corps a été créé pour être Dieu ! […]

Mais son âme ! Quelle fut son admiration à la sortie du néant dans le sein d’une femme ! Elle se voit unie hypostatiquement à la divinité ! Elle voit son néant et ce néant élevé à la dignité de Dieu !

Quelle admiration pour elle ! Quelle humilité, quelle adoration ! Quelle reconnaissance, quel amour ! Il ne lui vient pas dans la pensée de se borner et de se complaire dans sa grandeur et sa jouissance infinie ! Elle veut que tous ceux de sa nature en soient participants ! Elle invente la passion, la mort, les sacrements, l’Eucharistie ! Cette âme-Dieu voit tout dans la vérité ! Elle est unie à la charité par essence ! Comme elle aime et respecte toutes les créatures de Dieu, les plus petites, même celles qui paraissent viles ! La vertu la plus naturelle à cette âme était l’humilité parce qu’elle était unie à la vérité. Le vice le plus extraordinaire dans une créature, le plus absurde, le plus incompréhensible est l’orgueil.

[…] 0 Marie ! Vous n’êtes rien de Dieu, mais vous voyez votre substance se changer en Dieu ! Votre sang, votre lait ! Vous êtes une Mère admirable par l’affinité que vous contractez avec la divinité ! Mais au-dessus de tous les anges et de tous les hommes, vous êtes une pure créature !

Que les hommes admirent ce qu’ils voudront ; pour nous, Damaris, ne trouvons d’admirable que l’Incarnation et ses divines suites. Si vous voulez m’en croire, nous n’irions point à d’autres écoles ! Celle-là suffit ! Mais que dis-je ! Nous sommes trop faibles… nos têtes n’y atteindraient pas ! Mais elles atteindront bien à savourer le premier fruit du Verbe Incarné, de cet arbre de vie. Quel est ce fruit, Damaris ? Revêtez-vous-en et vous en nourrissez et votre tête devient forte ! C’est l’humilité ! C’est l’humilité ! Le fruit du paradis terrestre était le fruit de l’orgueil ! A Nazareth est né le fruit de l’humilité. L’Humanité Sainte a été, est et sera la plus humble des créatures, parce qu’elle voit plus la vérité ! Après elle, c’est l’Immaculée Mère de Dieu.

Que le Verbe Incarné vous donne, chère Damaris, le désir et le goût de cette vertu et vous serez riche dans la paix !

LMB-P

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