A toute la Congrégation
J.M.J. Luçon, pour 1825, 1er Janvier
A toutes mes chères filles Professes et Novices de la congrégation de Chavagnes.
« Voici l’alliance que Je ferai avec eux, dit le Seigneur : mon esprit qui est en vous et mes paroles que J’ai mises en votre bouche ne sortiront point de votre bouche, ni de la bouche de vos enfants, ni de la bouche des enfants de vos enfants, depuis le temps présent Jusque dans l’éternité, dit le Seigneur. » Is. 59, 21
C’est l’alliance que le Verbe incarné a faite avec tous les chrétiens. […]
Je vous écris, mes chères filles, pour vous prier chacune d’entre vous de faire un tableau pour mettre dans le temple de Dieu. Vous le ferez avec le plus d’habileté que vous pourrez. Vous y donnerez chaque Jour quelques coups de pinceau, vous ne passerez pas un Jour sans y travailler. Bézéléel réussit fort bien parce que l’Esprit de Dieu était en lui. Vous réussirez aussi parce que, comme vous venez de le lire :« Mon esprit est en eux. » Ornons, mes chères filles, le temple du Verbe incarné ! Vous me comprenez toutes. C’est Jésus que je veux que vous copiiez cette année de grâce 1825, que le Bon Dieu nous donne dans sa miséricorde.
Mais comme celles qui commencent le dessin ne pourraient dès les premiers jours faire une tête, on leur fait copier un œil, une oreille, la bouche et ensuite d’autres organes ; et réunissant tout ensuite dans le même tableau, on peint une tête entière. Il y en a parmi vous qui sont déJà plus habiles, d’autres ne sont que novices, mais le Seigneur verra avec complaisance qu’on veut faire son portrait.
Un enfant apprenait le dessin. Aussitôt qu’il sut un peu les règles de l’art, il crayonna son père. Le père, voulant voir ce que faisait l’écolier, se reconnut ; quoique la ressemblance ne fût pas parfaite, il eut de la Jouissance de voir son fils occupé de vouloir faire sa ressemblance.
Ah ! Je vois déJà chacune de mes filles le crayon à la main ! Le pinceau de celle-ci veut représentes le silence de la vie cachée de Jésus. Celle-là travaille à peindre son humilité : c’est un travail long, mais elle est courageuse. Cette autre trempe son pinceau dans le lait et le miel, Je la comprends ! Une autre extrêmement attentive écrit en gros caractères :« Les renards ont des tanières, les oiseaux des nids, mais mon Epoux n’a pas où reposer la tête » ; alors avec un gros pinceau, elle efface et biffe plusieurs choses. C’est bien.
A moi, la pauvreté de Jésus, dit l’une. Moi, ma soeur, Je veux représenter son obéissance et jusqu’à la mort de la croix. Pour moi, dit une religieuse déjà ancienne, je veux être fille de Dieu et représenter l’esprit pacifique du Verbe incarné ; Jamais il ne sortira de ma bouche rien qui pourrait causer du trouble et semer 1a zizanie entre les soeurs.
Je prends pour ma part l’esprit pacifique de Jésus, pour être fils de Dieu. C’est une pensée que me suggéra notre digne évêque. Il faut toujours dire ce qui peut entretenir l’union, la charité, disait-il, et taire tout ce qui pourrait occasionner un peu d’inimitié, un peu de froideur. Alors je tairai toujours tout ce qu’on aurait dit ou fait contre une personne, et j’en dirai le bien. Notre bon Maître me supporte, supporte tant d’indignes créatures. C’est là mon travail, et où je veux exercer mon pinceau. Son amour des croix intérieures et extérieures sera mon lot. Bien ! Pour moi, je trouve si beau son amour de la volonté de son Père. Bon plaisir de Dieu ! Je veux essayer de le peindre.
Peut-être, mes chères filles, que quelque courageuse voudra tout imiter. Je ne le conseille pas. Choisissez seulement un trait de Notre Seigneur et travaillez assidûment à le représenter. Lui-même gravera en même temps tous les autres. Pratiquer toutes les vertus par amour pour la vertu, pour mériter le ciel, pour plaire à Dieu, c’est bon. Mais le faire pour imiter Jésus, c’est plus excellent. On aime imiter celui que nous aimons. 0n réussit beaucoup mieux en imitant Notre Seigneur. Essayons , mes filles, je veux bien être de la partie.
Pourquoi la très Immaculée Mère de Dieu a-t-elle été si belle et si sainte ? Toute son occupation était d’imiter son divin Fils. Prions-la de nous aider.
Qu’une communauté serait belle si chaque membre représentait une qualité du Verbe incarné. Les beaux tableaux ! Qu’ils orneraient bien un temple !
Je vous le souhaite de tout mon cœur, mes chères filles, pour vos étrennes. Que le bon Maître daigne les bénir.
Mais pour finir, mes chères filles, aimez-vous les unes les autres, le Maître l’a dit, mais d’un amour vrai. Ne vous défiez pas les unes des autres. Ayez de la confiance les unes dans les autres. Point de politique, point de soupçons. Priez pour moi.
Je prie mon Saint Ange de vous bénir.
L.M.J.B.P.